À la fois danseuse et paysagiste, je suis sensible à la qualité de nos liens avec notre milieu. Mais la modernité poussée à son paroxysme nous amène à oublier ces liens et nous couper de notre environnement. Il semblerait que cette séparation vienne d’une simplification de nos rapports au monde, nous enfermant dans une série d’oppositions : nature/culture, corps/esprit, science/mythe, etc. Parmi ces contradictions, l’une d’elle attire particulièrement mon attention : l’admiration et la protection de la nature versus sa domination et son exploitation.
Curieuse de modes d’agir qui permettraient de dépasser ce divorce, je me suis intéressée à une pratique récemment divulguée : le pistage. Je me suis demandé comment le pistage pourrait impacter nos corps et nourrir une écriture chorégraphique singulière. Comment un corps qui fréquente régulièrement la forêt, s’en trouve-t-il transformé ?
Le pistage livre le pisteur aux puissances de ses perceptions corporelles, tel un danseur. Totalement immersif, il pousse le pisteur à faire confiance à son corps et à ses instincts. Aussi, je souhaite activer fortement cette dimension perceptive chez le spectateur en lui proposant d’éprouver un pistage réel en forêt. Les spectateurs-pisteurs sont alors sur la piste de trois occupantes indigènes de la forêt, dont les gestes et attitudes témoignent du temps passé dans ces mondes semi-sauvages.