Le projet de résidence des jeunes ESTivants, fera suite à un voyage au Kirghizistan (22 juin-13 juillet 2022) dans le cadre d’un projet de recherche intitulé Une histoire, une prière, un espoir, une itinérance à la découverte des techniques de fabrication des tapis de feutre. Deux raisons m’ont conduit à initier ces recherches : une passion pour l’œuvre littéraire de Tchinguiz Aïtmatov (1928-2018), un conteur extraordinaire, proche de la terre, il décrit avec poésie et véracité le pays kirghize. Puis, un intérêt pour l’artisanat du feutre. Un travail complexe, patient et dévoué. La naissance de l’art traditionnel du Shirdak et de l’Ala-Kiyiz (fig.1, 2) remonte à l’âge du bronze, depuis 2012, il est inscrit sur la liste de sauvegarde urgente du patrimoine immatériel de l’Unesco.
J’oriente fréquemment mes recherches autour de savoir-faire ancestraux et de pratiques vernaculaires, impliquant des outils et des objets qui se situent à la frontière de l’oubli. Je suis attirée par la force symbolique de formes archétypales qui persistent dans nos mémoires collectives. Au-delà d’une fabrication artisanale d’objets usuels, les tapis kirghiz comportent une dimension rituelle et sociale à laquelle je souhaite m’initier. La matière et les motifs témoignent d’une cosmovision singulière, d’une relation puissante à la nature, à l’univers et au vivant.
-Comment faire vivre à travers une pratique plastique contemporaine des gestes en voie de disparition ? -Comment charger un objet d’une force spirituelle et symbolique dépassant sa simple matérialité ?
Je me suis rendue au festival du Shirdak à At-Bashi fin juin et dans certaines des onze coopératives d’artisan·e·s répertoriées (ltyn Oimok à Bokonbayvo, l’atelier Cheber Koldor à Acha-Kaiyndy et l’association Topchu à Barskon). (fig.3) Le projet s’est construit en relation et en conversation avec les acteurs de l’art contemporain du Kirghizistan. J’ai échangé notamment avec l’artiste Shaarbek Amankul, dont le travail porte sur des liens profonds avec les coutumes et pratiques traditionnelles locales. En 2007 il fonda le B’Art center, l’une des toutes premières institutions d’art au Kirhizistan. Je serais ravie de pouvoir intégrer ce projet au sein du Musée du Feutre de Mouzon, j’y bénéficierai de regards aiguisés sur le travail de cette matière, des échanges constructifs et complémentaires au travail réalisé au Kirghizistan.
La résidence des jeunes ESTivants répond au désir de partager avec un public, les découvertes et l’apprentissage effectué au Kirghizistan. Ce temps de travail permet le traitement de l’ensemble des données, témoignages, échantillons, vidéos, sons, photos, croquis et textes, collectés lors du voyage. Une restitution sera proposée sous forme de documents, objets, photos et éventuellement d’une première pièce sculpturale en feutre. Il ne s’agit pas forcément de créer des œuvres documentaires, j’y fais intervenir une part de sensible, de récit et de fiction.