//Résidence du 22 au 26 juillet
Bandit Bandit
11 :11
Le rock, mais plus encore. Révélé il y a quelques saisons grâce au potentiel abrasif de ses riffs, le duo formé par Maëva et Hugo impose sa stylistique musicale pour le moins singulière dans l’hexagone, ainsi qu’une aisance insolente à manier la langue française, grâce à son épatant premier album, 11 :11.
Sept années se sont écoulées depuis la rencontre de Maëva et d’Hugo… sur une app de rencontre ! Certes, l’objectif originel n’était pas exactement celui de faire de la musique, mais le coup de foudre a également lieu sur le plan musical. D’abord, la nuit inaugurale est passée à fredonner des chansons d’amour de Johnny Cash ou de Julien Clerc. Les trois premières années sont intenses, entre la quête existentielle d’Hugo et les addictions de Maeva. Tous deux finissent par se soigner l’un l’autre. Leurs premières compositions se font spontanément, habile combinaison à quatre mains qui marie textes et mélodies. Quand ils décident mutuellement de se jeter à l’eau, comme le conseillait jadis un certain Jacques Brel, Hugo juge que c’est « une belle mauvaise idée ».
Or, tout s’enchaîne avec un naturel déconcertant, comme si les astres n’attendaient qu’eux. En 2018, ils s’entourent de musiciens. En 2019, c’est le premier concert, le premier clip, les premières sessions en studio. Et puis des mémorables premières parties : pour Muse, Clara Luciani, Last Train, Mademoiselle K… Le patronyme de Bandit Bandit, lui, a vu le jour lors d’une séance photo avec un ami, dans un décor désertique, bardés de foulards, santiags et pistolets. « Des duos loufoques. Des couples flingués… ça résonnait en nous. » Maëva et Hugo n’ont « peur de rien, et surtout pas du ridicule ». Quant à la répétition, c’est pour mieux souligner la dualité du projet qui, très vite, trouve son public, grâce à des morceaux aussi percutants que « Maux », le premier écrit en français, et un imaginaire qui incite la presse à les surnommer les Bonnie & Clyde du rock. De quoi s’approprier la chanson gainsbourienne avec une folle élégance.
Après deux EP électrifiants, Bandit Bandit et Tachycardie, il s’agissait, pour le duo, d’« aller voir plus loin que le rock » sur un 11 :11 réalisé par Azzedine Djelil (Rita Mitsouko, Catherine Ringer, Minuit, Lulu Van Trapp…). De mélanger les genres, de cultiver le champ pop dans toute son amplitude avec, comme fil rouge entre le rock brut et l’alternatif plus sophistiqué, la voix de Maëva. Les influences font le grand écart : Bandit Bandit ose tordre la langue française comme chez Bashung, rappelle au détour d’un couplet onirique la sensualité brute de Niagara, balance des déhanchés à la Daho quand un spleen digne de Françoise Hardy ne prend pas le dessus. Les guitares, elles, vont de St Vincent à Queens of the Stone Age, flirtant sans vergogne avec des synthés à l’instar des héros anglais Bowie et The Cure. Si les riffs sont la grande affaire d’Hugo, Maëva sait tirer parti de l’expression visuelle, sous influence Sailor et Lula ou Natural Born Killers. Car la musique, c’est du son… mais aussi de l’image.
Oeuvrant ensemble à l’écriture et à la composition, ces âmes sœurs musicales profitent du confinement pour lire et écouter bien au-delà de leur zone de confort. Jusqu’ici auto-centrés et cathartiques, les textes de Bandit Bandit restent intimes sur 11 :11 tout en s’avérant politiques, féministes, et engagés. Virage particulièrement manifeste dans »Pyromane » au rock hautement groovy, dans le surf électrique de »Lucky Luke » ou encore dans les fréquences sensibles de »Si j’avais su ». Se distingue alors le champ lexical de l’inflammable, autour de la rupture, du questionnement au sein du couple dans tous ses états, partageant une vision contemporaine et salvatrice des relations sentimentales. Le tout est écrit en français, sans fausse pudeur, se jouant des mots. Et nourri de pulsions punk, comme on l’entend sur »Curseur », allergique aux discours qui tournent en rond. Après l’ouverture heavy de « Toxique Exit », résonnent le délicieux psychédélisme sixties de »Des fois », et le rock sensuel de »La Montagne ». »La Marée » est une ballade amoureuse à laquelle il est bien difficile de résister, tandis que l’atmosphère se charge, hypnotique, sur »Point de suture ».
Quant au titre 11 :11, il s’est, comme toujours chez Bandit Bandit, naturellement imposé. Faisant référence à l’heure miroir, cet horaire est souvent apparu durant les sessions en studio. En numérologie, onze est un nombre premier, représentant la rébellion comme la quête de soi. « L’intuition a toujours été notre force avec Hugo, comme la sensation intime d’être là au bon endroit au bon moment ». La découverte de cette liberté, celle de Maëva, d’Hugo, mais aussi celle de leur musique débridée, résonne fort tout au long d’un album dévorant d’un désir aussi insatiable que contagieux.